Le "Grand blockhaus" de Batz-sur-Mer
Du début de la guerre à la « Poche de St Nazaire » Batz sur Mer, petit village de Loire-Atlantique qui vit de la production de sel se réveille e, « zone occupée » après la signature de l’armistice le 22 juin 1940. Situé à une vingtaine de km à l’ouest de Saint-Nazaire et l’embouchure de la Loire, le site est rapidement choisi par l’armée allemande pour installer une batterie lourde sur voie ferrée et protéger le port de Saint-Nazaire d’une éventuelle attaque britannique. L’armée allemande utilise de vieux canons français récupérés à la capitulation française. Il s’agit de vieilles pièces d’artillerie de 240 mm Schneider mod. 1893-96 M montées sur des affuts Saint-Chamond pour voies ferrées, ce qui permet de les déplacer « facilement » Ces pièces sont servies part des artilleurs de la Marine allemande, le 280e bataillon d’artillerie de Marine (4e batterie) qui arrivent sur le secteur fin 1941. Le site choisi, le hameau de Kermoisan se trouve en retrait de la côte de près de 700m, mais surtout des travaux de raccordement sont menés pour le relier à la voie ferrée Batz / Le Pouliguen qui passe à moins de 500m du site. |
Les wagons sur lesquels se trouvent les canons sont protégés par des encuvements bétonnés circulaires et maintenus en place par des vérins. Des abris bétonnés sont situés à proximité pour les servants et les munitions.
Les deux pièces donnent de la voix le 28 mars 1942 sur des vedettes britanniques qui évacuent les troupes ayant participées à l’opération « Chariot » visant à détruire la
porte de la « forme Joubert » dans le port de Saint-Nazaire. L’imprécision des tirs de ces vieilles pièces d’artillerie ne cause pas de dégâts.
Après le raid de Dieppe le 19 aout 1942 la défense des zones portuaires, ainsi que des côtes est renforcée pour empêcher tout débarquement allié, et de nombreux ouvrages supplémentaires sont projetés et réalisés dans toute la zone. La batterie lourde change d’appellation, passe de « Tu 18 » à « Tu 301 » (Tu pour « La Turballe »)
Sur le site de Batz sur Mer il est prévu le remplacement des canons de 240 mm d’origine française par des canons de 305 mm Skoda qui étaient montés en 1912 sur le navire allemand « Prinz Eugen » et récupéré par la France a la fin de Première Guerre Mondiale.
Ces pièces ne seront jamais installées, mais les travaux des ouvrages destinés à les accueillir avaient commencé, notamment les encuvements bétonnés avec divers degrés d’avancement.
Après le débarquement de Normandie les alliés progressent partout et les troupes allemandes reculent, et bientôt comme d’autres endroits (Royan, Falaise…) la ville de St Nazaire et les alentours sont encerclés et devient la « Poche de St Nazaire » ou les troupes allemandes repliées et encerclées ne peuvent si fuir par la mer ni par la terre.
L’un des canon sur rails est déplacé dans les terres pour arroser les troupes françaises, les troupes américaines, sur la ligne de front dans l’intérieur des terres.
Un tunnel ferroviaire lui sert d’abri à Pontchâteau le reste du temps.
Le dernier obus est tiré le 6 mais 1945. La poche signe sa capitulation le 8 mai 1945, et se rend le 11 mai, le temps de déminer les principaux accès.
L’ouvrage S 414
Pour pouvoir tirer juste et bien une batterie d’artillerie doit savoir sur quoi, dans quelle direction, et à quelle distance elle doit tirer.
Après l’installation des pièces d’artillerie sur rails, la construction d’un « Poste Directeur de Tir pour batterie lourde » débute à environ 1,2 km de la batterie, en bordure de côte.
Ce mastodonte dont la construction débute pour le gros œuvre fin octobre 1942 pour une fin des travaux en février 1943.
Le PDT c’est les yeux des artilleurs souvent installés en retrait, et qui ne voient pas la cible sur laquelle ils doivent tirer.
A Batz-sur-Mer, en 1942, la côte est nue, sauvage, il n’y a quasiment rien autour, alors cet énorme ouvrage est visible de très loin. Pour atténuer cela, l’un des angle est recouvert d’une extension en briques pour casser ce côté anguleux, et l’ouvrage en entier est « transformé » en villa de bord de mer au moyen de fausses toitures, faux balcons, et surtout 31 fausses fenêtres avec rideaux sont peintes en trompe l’œil !
La construction de l’ouvrage aura nécessité 125 tonnes de ferraillages, et près de 1800 m² de béton ce qui représente près de 6900 tonnes !
L’Organisation Todt fait appel à une société privée, Polensky et Zöllner (PZ) qui réalise de nombreux travaux pour le Reich.
27 heures seront nécessaires pour couler le béton dans cet immense coffrage, en 3 étapes.
Les « finitions » (plomberie, peinture, carrelages…) sont réalisées en mars et avril 1943 par des travailleurs du STO et des entrepreneurs locaux.
L’ouvrage dispose de diverses commodités telles le chauffage central grâce à une chaudière au charbon, de l’eau courante dans les lavabos pour la troupe, et bien sûr pour se protéger d’éventuels gaz de combats, d’un système de ventilation filtrant.
Chaque niveau du bunker a une fonction définie :
Le niveau le plus bas est dévolu au logement des troupes nécessaires à son fonctionnement soit une vingtaine d’hommes.
Le niveau par lequel on accède à l’ouvrage dispose de plusieurs salles importantes pour disposer tables et tableaux nécessaires au traçage, au calcul des tirs à effectuer par la batterie, ainsi qu’une salle radio, et un système téléphonique.
Un petit escalier permet d’accéder au 1er observatoire, dans lequel une échelle verticale permet de monter au second observatoire plus large, équipé un appareil permettant de corriger la distance entre l’observatoire et la batterie d’artillerie située en retrait et en décalé (correcteur de parallaxe)
Entre ces deux niveaux une trappe étanche et une échelle en 2 parties. De ce second niveau on accède au télémètre, un appareil ressemblant à un tube métallique, de 4m de longueur et qui permet de mesurer la distance à laquelle se trouve un objectif à atteindre. Ce télémètre est abrité sous une plaque de béton de 40 tonnes qui repose sur 4 pieds métalliques aux angles.
Six encuvements dont la trace subsiste aujourd’hui reçoivent des canons de 75 français autour de l’ouvrage pour sa défense anti aérienne.
Le temps de guerre s’écoule comme dans beaucoup d’endroits entre alertes, entrainements, périodes de calmes et de tensions, jusqu’à la libération de la « Poche de Saint-Nazaire » et Batz-sur-Mer le 11 mai 1945.
Par la suite la population locale récupère tout les matériaux qui peuvent l’être, avant que le site ne serve de lieu de détention pour des prisonniers sous la garde de troupes françaises
Le temps passant le site, ouvert a tous les vents devient un lieu de visite, avant d’être occupé de 1950 à 1953 par une famille de réfugiés, puis à nouveau abandonné.
Le propriétaire du terrain le vend finalement en 1958 à la Marine Nationale qui souhaite utiliser le bunker comme sémaphore ou radar, mais finalement rien ne se passe.
Abandon et dégradations, pillages se succèdent dans un ouvrage finalement muré par la commune, et qui disparait sous la végétation.
A la recherche d’un site pour constituer un musée, Luc et Marc Braeuer découvrent le bunker qu’ils parviennent à acquérir.
Près de 3 années d’un travail énorme de déblaiement, de restauration, d’équipement, de construction seront nécessaires pour ouvrir le site au public en juillet 1997.
Le travail accompli est remarquable, il s’agit d’un véritable voyage dans le temps.
Matériel en place, présentations de collections d’objets divers et reconstitutions de scènes historiques, ou inspirées de personnes réelles remises en action, avec de nombreuses explications et témoignages des protagonistes, c’est vraiment d’un grand réalisme.
Il reste bien d’autres choses à découvrir sur l’histoire du « grand bunker », de la « Poche de Saint-Nazaire », la côte est superbe, une visite s’impose !
Quelques images vues du ciel ICI
Retrouvez toutes les infos utiles sur https://www.grand-blockhaus.com/
Merci à Luc Braeuer pour son accueil, ainsi que les explications et le temps consacré