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L'ouvrage du Four à Chaux - Ligne Maginot

 

  • L’ouvrage dans son environnement

 

L’ouvrage du Four à Chaux a été construit entre 1930 et 1935 par la Compagnie Générale d’Orléans, par des ouvriers civils de différentes nationalités.

L’ouvrage tient son nom d’un ancien four à chaux qui existe jusqu’au moment de la construction. L’ouvrage est construit sur le versant d’une colline qui culmine à 268 mètres, et à environ 6,4 km de la plus proche frontière allemande.

 

Une caserne de « temps de paix » est également construite à proximité pour accueillir les équipages de l’ouvrage.

Dans sa plus grande longueur, ce sont près de 600 mètres qui séparent l’Entrée des Hommes des blocs les plus éloignés (bloc 5, blocs 3 et 4).

La caserne est dotée de chambrées équipées de lits superposés sur 3 niveaux pour 24 soldats par chambrée, mais des photos d’époques nous montrent clairement que des chambrées « de fortunes » avec des hamacs avaient été installées à d’autres endroits (salle des filtres, près des entrées, de l’usine électrique..). L'équipage normal compte 580 hommes dont 24 officiers et 79 sous-officiers.

C’est le 165ème Régiment d’Infanterie de Forteresse qui occupe l’ouvrage, ainsi que le 168ème Régiment d’Artillerie de Position, et le 15ème Régiment du Génie.

 

C’est un gros ouvrage composé de 6 blocs, artillerie et infanterie en plus des deux entrées, pour les hommes (EH), ainsi que pour les munitions (EM). Compte-tenu de la configuration du terrain, les deux entrées ne se situent pas sur le même plan. L’EH est située plus haut que l’EM. Il a donc fallu réaliser un plan incliné ascendant pour permettre aux munitions et matériels divers d’accéder au niveau du pied des blocs avec une profondeur raisonnable de 20 à 25 m.

 L’alimentation électrique est assurée par une ligne aérienne puis souterraine de 22 000 volts, mais en cas de soucis le fort dispose d’une usine électrique composée de 4 générateurs de 120 kw mus par des moteurs Sulzer de 160 cv.

Un puits artésien débitant 6m3 à l’heure assure l’alimentation en eau des citernes des différentes parties de l’ouvrage.

  • L’ouvrage pendant la guerre

L’ouvrage connaîtra plusieurs mobilisations au gré des tensions entre 1938 et 1939.

La mobilisation « pour de bon » à lieu le 24 août 1939. Pendant plusieurs mois c’est la « drôle de guerre », cette période pendant laquelle la guerre est déclarée, l’armée mobilisée, mais où il ne se passe rien, ou presque.

La vie s’organise dans l’ouvrage et la caserne du « temps de paix » située à proximité.

Les soldats qui ne sont pas  à leur poste de combat où aux travaux de l’ouvrage entretiennent jardins et vergers à proximité, améliorant l’ordinaire de fruits, viandes etc…

Un piano récupéré dans le village de Lembach évacué en septembre 1939 est installé dans l’ouvrage et servit pendant les offices religieux.

 

Quelques escarmouches se produisent au cours des premiers mois de 1940.

Le 18 janvier le bloc 2 expédie 80 obus de 75 sur un village allemand ou était stationnée une unité du Génie.

Le 17 mars, des grenades au gaz explosent près du bloc 6, déclenchant une alerte aux gaz, et la mise en alerte de l’ouvrage une nuit complète. Peut-être des éléments ennemis infiltrés qui auraient voulu tester la rapidité de réaction des défenseurs du fort ?

A partir du 10 mai 1940 l’armée allemande progresse à travers la Belgique, le Luxembourg, mais il s’agit d’un leurre pour que l’armée française se concentre face à ces frontières.

Des troupes très aguerries fondent vers Sedan, des centaines de blindés traversent en deux jours le massif des Ardennes jugé infranchissable pour des chars par l’Etat Major français…

Le 13 mai l’armée allemande traverse la Meuse malgré la résistance héroïque des troupes françaises dans des ouvrages bétonnés non terminés, mal équipés…La désorganisation et le chaos qui s’ensuit permettent aux troupes allemandes d’enfoncer le front rapidement.

Le 12 mai le Four à Chaux fait feu sur des troupes ennemies causant de lourdes pertes lors de la prise d’un poste d’observation à Wingen.

Le 13 mai le Bloc 2 ouvre le feu sur des unités ennemies. Il en est de même le 20 mai ou avec le Hochwald une compagnie allemande est mitraillée.

Le 12 juin ordre est donné de retirer les troupes d’intervalles vers l’arrière pour éviter de se retrouver pris en tenaille par les troupes ennemies. Les ouvrages se retrouvent donc seuls, sans soutien d’intervalles, face aux troupes ennemies.

Le Bloc 2 ouvre le feu sur des patrouilles allemandes les 15,16 et 17 juin 1940 du côté du Col de Gunsthal.

Le 18 juin la tourelle lance-bombes du Bloc 1 réduit au silence une batterie d’artillerie située au nord-ouest de Lembach et qui a pris pour cible le Bloc 5.

Ce même jour les blocs du Hochwald ouest ouvrent le feu sur le village de Lembach ou des troupes allemandes sont cachées.

Rails antichars et réseaux de barbelés sur les dessus du Four à ChauxRails antichars et réseaux de barbelés sur les dessus du Four à ChauxL’ennemi installa des canons lourds de 8,8 cm Flack, 35,5 et 42 cm mais que ce soit le Four à Chaux ou le Hochwald, qui sont pris pour cible le 19 juin, pas de dégâts de signalés, les obus ratent leur cibles.

Décidé à réduire les ouvrages au silence, l’ennemi utilise des dizaines de bombardiers Stuka pour bombarder les blocs. Plusieurs raids aériens  sont menés dans la même journée. Deux bombes s’abattent à proximité et sur la visière du Bloc 6 causant des dommages importants, amenuisant ses capacités. Malgré cela le Four à Chaux résiste et ouvre le feu à plusieurs reprises sur les avions attaquant le Hochwald, et réciproquement.

L’ensemble de l’ouvrage recevra des dizaines de bombes, provoquant des fissures dans l’usine électrique et un léger affaissement du plan incliné.

Les combats se poursuivent sporadiquement jusqu’au 24 juin ou le Bloc 6 détruit 3 camions arrêtés sur la route de Woerth, puis vers 17h le Bloc 2 fait feu vers la route de Pechelbronn.

Ce sont les derniers tirs effectués par l’ouvrage.

L’armistice est effectif le 25 juin à 0h33, et les ouvrages alentours résistent jusqu’au 1er juillet, où ils se rendent, sur ordre écrit du commandement.

Les soldats qui ne sont pas lorrains où alsaciens sont envoyés en captivité où ils resteront jusqu’à la fin de la guerre, dans des conditions de captivité difficiles.

 

  • L’occupation allemande

L’occupant s’installe dans l’ouvrage dès le 1er juillet 1940.

Commence alors le démontage méthodique de nombreux organes de l’ouvrage, pour être réutilisés, sans doute sur le Mur de l’Atlantique.

Deux des quatre générateurs de l’usine sont démontés, une grande partie du câblage électrique disparaît, des transformateurs, tableaux électriques etc…Le monte-charge du bloc 3 est aussi démonté, ainsi que l’ensemble de l’armement démontable, mitrailleuses, canons antichars, munitions. Une grande partie du carburant est aussi récupéré (réserve de 3 mois pour les générateurs). La quasi-totalité des ventilateurs, moteurs électriques et filtres sont également démontés et évacués.

En 1942 l’occupant est décidé à effectuer des expérimentations pour attaquer et neutraliser des ouvrages bétonnés. Cette opération prend le nom de « Taifun » (Typhon). Il s’agit de pouvoir introduire dans l’ouvrage un gaz hautement inflammable qui mis à feu déclencherait les destructions internes par l’onde de choc provoquée par l’explosion. L’avantage du gaz envoyé sous pression est qu’il peut se propager très loin dans les galeries et semer ses destructions sur une surface considérable.

La stratégie consiste à envoyer un commando à l’assaut d’un bloc de l’ouvrage sous la protection de lance-flammes. Le but est de s’approcher du bloc pour disposer des charges creuses sur les cuirassements pour percer une brèche. Une fois les trous percés un second groupe introduit des tuyaux dans les orifices percés, puis injecte le gaz sous pression.

Ensuite une mise à feu à distance déclenche la nuée ardente.

Pour effectuer ces expériences les galeries sont bardées de capteurs pour mesurer la pression à différents endroits et suivre l’évolution de l’onde de choc.

Le bloc 1 est le site de cette première expérience. Une attaque est simulée, le commando progresse à l’assaut de la tourelle de 135, pour poser sur la calotte pas moins d’une dizaine de charges qui perceront les 30 cm de métal. Les tuyaux injectent le gaz éthylénique qui devient extrêmement inflammable au contact de l’air, puis actionnent la mise à feu.

C’est un énorme grondement qui secoue tout l’ouvrage, jusqu’à casser les vitres au village de Lembach. La méthode n’est pas au point et le dosage du gaz sans doute excessif.

L’énorme explosion se produit dans le bloc 1, un espace confiné, où le souffle destructeur est canalisé par les galeries bétonnées, provoque l’éjection de la tourelle de 135 mm qui saute comme un bouchon de champagne, pour retomber quelques mètres plus loin (la partie mobile de la tourelle pèse près de 98 tonnes dont 70 tonnes de coupole).

Dans  le bloc 1 tout est dévasté par la nuée ardente qui se propage dans les profondeurs de l’ouvrage. Les portes blindées formant le sas à l’entrée du bloc sont arrachées, les maçonneries de la galerie sont éventrées provoquant l’éboulement du terrain. Les voûtes maçonnées se fissurent, se soulèvent et retombent sur leurs murs de soutènement.

Mais le cataclysme se propage encore le long des galeries semant le chaos sur son passage.

Le PC est détruit, les magasins aux artifices, la sous-station électrique et tous les organes et galeries proches du Bloc 1 sont gravement endommagés.

Les capteurs mesurent une pression de près de 40 atmosphères. Nul doute que si l’ouvrage avait été occupé personne n’aurait survécu à un tel « monstre » de feu ! L’onde destructrice se répandra quasiment jusqu’au casernement.

Malgré l’ampleur des destructions, de nouvelles expériences sont alors menées sur le Bloc 2. On installe de nouveaux capteurs,  et l’expérience recommence depuis le début, avec l’attaque du bloc, injection du gaz et mise à feu. Mais là la quantité est moindre, car le but premier n’est pas de détruire l’ouvrage lors de l’attaque, mais de mettre hors combat l’équipage.

Là également la tourelle de 75 se souleva mais resta dans son logement.  Le souffle détruira le monte-charge, les portes du sas, les conduits de ventilation etc…

Le Bloc 3 subira le même sort, la tourelle sautant elle aussi en l’air.

Le Bloc 4 subira des destructions intérieures modérées, sans doute le « tâtonnement » pour le dosage gazeux…

Le Bloc 5 et sa tourelle de mitrailleuses subira les outrages d’une importante déflagration, en sautant en l’air, arrachée à la base de sa colonne de soutien, et retomba la calotte la première dans son puits.

Le Bloc 6 qui a déjà été endommagé lors des  bombardements subira aussi les essais explosifs en détruisant les équipements intérieurs.

De l’ouvrage initial,  l’ensemble des blocs de combats est détruit, il ne reste que l’usine, la caserne et les blocs d’entrée qui ne sont pas touchés. Le souffle de feu qui s’est propagé  dans les galeries a noirci partout les murs, voûtes  et parois.

Les destructions ne sont pas terminées puisque lorsqu’ils se retirent, les soldats allemands sabotent l’usine électrique en dynamitant les générateurs, et provoquant la destruction de l’ensemble des

organes présents dans l’usine.

A la fin de la guerre, le Four à Chaux n’est plus qu’une épave meurtrie, noircie, amas de ferrailles et de béton éclaté.

En 1946 les ouvrages sont sécurisés, les accès déblayés, on rétablit un minimum d’éclairage, pour pouvoir, en 1947 dresser un état des lieux plus précis. On est au début de la guerre froide et le gouvernement décide de remettre en état les ouvrages destinés à protéger la frontière.

A partir de 1951 les financements destinés à la reconstruction arrivent. L’usine est équipée de moteurs provisoires Sulzer et Smim, puis plus tard les deux générateurs Sulzer qui sont en place aujourd’hui. Un certain nombre d’équipements ne sont pas réinstallés, telles les cellules de transformation haute tension, la salle des filtres, certaines citernes de stockage de carburant…

Les blocs de combats et les équipements, tourelles et armement sont remis en état, à l’exception du Bloc 1 dont les destructions sont jugées irréparables.

 

Ce chantier de reconstruction durera jusqu’en 1967 date à laquelle les ouvrages ne furent plus jugés utiles…Un chantier de près de 15 ans et des sommes considérables pour reconstruire cet ouvrage. C’est aussi grâce à cela qu’il nous est parvenu aujourd’hui dans l’état dans lequel il se trouve, bien loin de ce qu’il était devenu après guerre…

 

L’ouvrage restera militaire et en 1983 le Syndicat d’Initiative de Lembach a l’autorisation de l’ouvrir au public et une association est crée.

 

Merci à l'équipe du Four à Chaux pour son accueil et Mr Haensli pour sa confiance et disponibilité.

Merci à Charley Mege pour m'avoir patiemment accompagné d'un bout à l'autre et de bas en haut !

Le Syndicat d'Initiative de Lembach édite un fascicule consacré au Four à Chaux très bien fait et documenté, n'hésitez pas à l'acheter sur place.

L'ouvrage est ouvert au public, une visite s'impose !

 

Le site de l’ouvrage du Four à Chaux : http://www.lignemaginot.fr/

 

Sources: Fascicule du Four à Chaux et le texte très détaillé de JL Burtscher, site internet de l'AALMA, "la muraille de France" de Ph Truttmann

Entrée des Hommes

Caserne - Cuisines

Bloc 1 le bloc détruit

Entrée des munitions

Galeries - Plan incliné

Bloc 2 tourelle de 75 R 32

Bloc 3 tourelle de mortiers de 81

Bloc 5 tourelle de mitrailleuses

Usine - Musée

Bloc 4 observatoire et infanterie

Bloc 6 infanterie

PC - Magasin à munitions