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Le projet "4 Séré", l'Oeuvre de Séré de Rivières expliquée par quatre fortifications lyonnaises


 

 

2015, bicentenaire de la naissance de Séré de Rivières2015, bicentenaire de la naissance de Séré de Rivières 

De toutes les époques de l’Histoire, Lyon a été un verrou important militairement. Traversée par deux grands cours d’eau, ceinturée de collines, la région est le point de passage tant vers la fertile vallée du Rhône que vers l’Orient et la Méditerranée, ainsi que l’accès à la route des hauts sommets des Alpes et de l’Italie.

 

De la Lugdunum gauloise à la ville de Lyon du XIXème siècle le site, de par les richesses inhérentes à tout point de passage et halte obligatoire, a suscité de nombreuses convoitises…C’est donc en toute logique que la fortification a toujours été une tâche importante et nécessaire, au gré des menaces qui planaient au fil de l’Histoire.

 

Mon propos ne sera pas ici de vous conter l’histoire militaire de Lyon dans le détail, de nombreux ouvrages précis et documentés le feront bien mieux, mais il s’agit ici de vous présenter quatre fortifications différentes qui illustrent l’évolution de la fortification du XIXème siècle, imaginée par un personnage dont les témoignages sont encore bien présents dans le paysage, bien que l’Histoire ait décidé d’oublier son nom : Le Général Raymond Adolphe Séré de Rivières.

 

 

Le contexte : Après les guerres Napoléoniennes, l’autre côté des Alpes est occupé par le Royaume de Sardaigne dirigé par Victor-Emmanuel de Savoie appuyé par l’Autriche qui en élargissant le royaume des Savoie, tente de limiter l’expansion de la France.Carte de la place-forte de LyonCarte de la place-forte de Lyon

 

La ville de Lyon est dès le début du XIXème siècle  d’un grand intérêt pour les ennemis de la France et il convient d’édifier des défenses adaptées à l’artillerie qui se développe grandement depuis les guerres Napoléoniennes. Il faut donc occuper les sommets propices à l’installation de bouches à feu, ainsi que barrer physiquement la route d’un assaillant.

Dès 1831 Rohault de Fleury dirige la construction de plusieurs ouvrages, enceintes urbaines et (déjà) forts détachés sur des instructions du Général Haxo. Ces constructions se poursuivent jusqu’en 1851 (fort de la Duchère) voire 1853 (Fort de Vaise selon l’Atlas des bâtiments militaires 1864).

 

Après avoir dirigé le projet de construction de forts sur la région de Metz, nommé colonel, Séré de Rivières arrive à Lyon en 1868 comme directeur des Fortifications. Il remanie les « vieilles » fortifications de Rohault de Fleury jugées inadaptées aux progrès techniques de l’artillerie. Séré de Rivières lance aussi les projets de nouveaux ouvrages. La guerre de 1870 arrive, et les autorités savent que Lyon fait partie des objectifs possibles des prussiens comme l’atteste des documents d’espionnage retrouvés depuis. La ville est mise en état de défense, de nombreux ouvrages et batteries provisoires sont édifiés pour parer à toute attaque.

 

Lorsque Séré de Rivières devient Directeur du service du Génie au ministère de la guerre  en 1874, le camp retranché de Lyon fait évidemment partie des places fortes importantes. De nouveaux grands forts sont construits, tel Vancia, Bron, Le Paillet etc. Des ouvrages immenses à l’architecture soignée, et une utilisation précoce du béton de ciment marié à la pierre pour certains organes de ces ouvrages.

Je vous invite à découvrir un éventail de ces fortifications lyonnaises, au travers de 4 ouvrages qui nous permettent de tracer une chronologie et une cohérence dans leur construction.

 

La nouvelle enceinte de la Croix-Rousse

 

A partir de 1831 Rohault de Fleury lance de grands travaux de fortifications autour de Lyon.

Au nord de Lyon, entre Rhône et Saône s’étale un plateau dont le bord sud  domine le centre de Lyon jusqu’au confluent. Ce plateau est une voie privilégiée d’invasion, qui a déjà été utilisée en 1793 lors du siège de la ville de Lyon.

La construction de deux forts est entreprise, Caluire sur la partie Ouest, Montessuy sur la partie Est complétée par la redoute de Bel-air pour la surveillance des rives du Rhône. La construction de ces ouvrages et de leurs annexes s’étale sur près de 20 années.

 

 En 1866 un projet d’enceinte continue voit le jour pour barrer le plateau, afin de remplacer l’ancien rempart devenu le boulevard de la Croix-Rousse. Cette construction est prévue entre les 2 forts précités, est indépendante de ceux-ci.

Le projet est réalisé sous la direction de Séré de Rivières en 1868 qui vient d’être nommé directeur des fortifications de Lyon. Il s’agit sans doute de l’une de ses premières réalisations sur la place, bien que le projet ait été initié par son prédécesseur. 

Il se compose d’un alignement de casemates reliées entre-elles par une circulation arrière, percées de créneaux de tirs, l’ouvrage prenant la forme d’un V très ouvert. A la jonction des deux branches de ce V plusieurs casemates (bastionnet de flanquement) permettent le tir en enfilade dans le large fossé qui est creusé en avant. Une large coursive en pente assez raide relie la jonction des galeries avec la surface.

La galerie vers Montessuy a été murée à environ 115m, lors de la réalisation de HLM.Le fort de Montessuy à droite en 1938. Les premiers immeubles sont sortis de terre, et le fort de Caluire a déja laissé place au terrain de sports.Le fort de Montessuy à droite en 1938. Les premiers immeubles sont sortis de terre, et le fort de Caluire a déja laissé place au terrain de sports.

La galerie vers Caluire est murée à environ 70m à l’occasion de lotissement de pavillons. Les casemates sont utilisées en caves particulières.

L’ensemble est construit en pierres de taille maçonnées, plusieurs accès vers l’arrière permettaient  de pénétrer dans l’ouvrage à différents endroits.

Dans les années 1930 l’urbanisation nécessite l’aménagement de la zone et la construction de nombreux immeubles. Le fossé est totalement comblé, le mur d’enceinte est recouvert de terre. Les embrasures ont été bouchées, l’ouvrage est devenu totalement souterrain !

A l’extérieur seul subsiste le bâtiment permettant l’accès à la galerie de descente.

Dans les années 60/70 le site est occupé par une champignonnière qui trouve là un milieu propice à cette culture. Une voie ferrée de 50 cm a été installée à cette époque avec une plaque tournante en partie centrale. Des canalisations d’aération occupent également une partie de l’ouvrage.

Aujourd’hui le périmètre extérieur est en pleine rénovation urbaine, une partie des terres du bâtiment d’accès a été décapée.

Parfois ouverte lors des journées du Patrimoine, cette « nouvelle enceinte de la Croix-Rousse » mérite d’être mise en valeur par la qualité de la construction,  la bonne conservation des structures et le coté irréel du lieu !

 

D’après un document de l’Association pour la Promotion de l’Histoire de Caluire et Cuire, H.Chapot.

 

La nouvelle enceinte de la Croix-Rousse en images

 


L'ouvrage du Mont la Roche

 

Le mont La Roche (parfois orthographié Laroche) est un sommet du massif des monts d'Or qui se situe au Nord-Ouest de la métropole lyonnaise. Culminant à 530 mètres d'altitude, il est entouré par d'autres sommets, tels le Mont Thou, le Mont Cindre, le Mont Verdun, le Mont Narcel ... Il présente la forme d'un sommet aplani allongé d'environ 150 m.

Ces sommets ont tous la particularité d'être encore aujourd'hui, ou d'avoir été occupés par une installation militaire.

 

Lorsque débute la guerre franco-prussienne de 1870, Lyon, de par sa position géographique et ses industries est un objectif possible pour les armées ennemies. Séré de Rivières qui est en train de remanier la place forte décide d'ériger des batteries provisoires pour occuper les sommets, surveiller et résister à un éventuel assaillant. Concernant l'ouvrage du mont La Roche, un comité de défense est crée, composé de civils, essentiellement des paysans locaux. Ces hommes taillent, creusent, terrassent le sommet pour permettre l'installation de pièces d'artillerie.

Il s'agit évidemment d'un retranchement rudimentaire, ceinturé à la gorge de palissades de bois percées de créneaux à fusil, l'entrée barrée de chevaux de frise. Les parties Nord et Est sont défendues par un fossé creusé à même la roche. A l'Ouest la pente très escarpée offre une bonne protection. La seule construction probable consisterait en un baraquement placé au centre de l'ouvrage, près d'une citerne cimentée qui constitue une réserve d'eau. Une pièce d'artillerie de petit calibre est placée en haut d'une plate-forme située à l'extrémité Nord. On y accède grâce à une rampe.

Le site n’a sans doute jamais été utilisé, l’ennemi ne s’étant jamais aventuré dans le secteur (si on se limite à la guerre de 1870). Les pièces d’artillerie ont-elles été installées, mystère … ?

Ce site préservé constitue un rare vestige de la « fortification de campagne » de 1870. Lors du 1er conflit mondial ce type de fortification du moment, jouera un rôle important dans des ensembles plus élaborés.

Aujourd’hui le site se trouve sur un circuit pédestre de découverte botanique. Il mériterait d’être entretenu et débroussaillé régulièrement afin d’y ajouter une lisibilité historique.

L'ouvrage du Mont Laroche en images


La batterie des Carrières

 

La batterie des Carrières a été construite entre 1874 et 1877 pour la somme de 154 000 francs or. Construite à 555m d’altitude elle est une des 5 batteries annexes au fort du Mont-Verdun situé au dessus. La batterie était occupée par 40 hommes et un officier.

 

La batterie des Carrières pouvait battre de ses feux l’intervalle entre le fort du Mont-Verdun et le fort du Paillet qui se situe à 3,2km. Mais le Mont-Verdun étant situé 75m plus haut en altitude il y a un angle mort, diminué par la batterie des Carrières.

La batterie est composée de trois plates-formes séparées par des traverses-abris. En fonction du calibre des pièces, on pouvait disposer une ou deux pièces d’artillerie par plate-forme.

L’ensemble des pièces est orienté vers l’Ouest.

L’entrée, dominée par le fort du Mont-Verdun, donne directement dans la cour. A l’Ouest la pente est très prononcée, et un fossé a été creusé dans un calcaire à gryphées, des fossiles de coquillages marins.

La batterie possède un casernement défensif impressionnant, avec un mur d’escarpe massif mais esthétique, percé de créneaux de pieds travaillés et d’embrasures à fusils.

Le casernement dispose de trois chambrées reliées par un unique couloir dans l’enfilade de l’entrée du casernement. Dans la première salle l’officier disposait de sa pièce séparée du reste de la chambrée par une cloison. Chaque chambrée est équipée de 3 créneaux de pieds et trois créneaux à fusil.

Le casernement est aussi entouré par une galerie enveloppe pour éviter l’humidité. Une particularité de la batterie, comme l'ensemble des ouvrages des Monts d'Or est de disposer de niches à munitions extérieures, qui à cette époque ne concernaient généralement que les batteries de côtes.

La batterie sera déclassée en 1900, contrairement au fort du Mont-Verdun qui est toujours militaire et occupé. La batterie servira de dépôt de matériel, puis connaîtra l’abandon et les dégradations, tags, dépôts sauvages etc.

La commune de Limonest rachète l’ouvrage en 1983 et confie la restauration à l’association « Limonest Patrimoine » qui depuis a à cœur de restaurer le site dans son état le plus proche de l’origine. Cette petite mais déterminée équipe de bénévoles encadre aussi des chantiers de jeunes, et ouvre très souvent la batterie qui est devenue le lieu de nombreuses manifestations locales.

Simples curieux, randonneurs, touristes ou amateurs de fortifications, vous recevez ici le meilleur accueil. Rendez-vous tous les jeudi matin !

Le site de l’association Limonest Patrimoine : http://www.limonest-patrimoine.net/

 

La batterie des Carrières en images


Le fort du Paillet

 

Le fort du Paillet a été construit entre 1884 et 1886 sur un mamelon à 394 m d’altitude. Les effectifs de l’ouvrage varient de 250 à 400 hommes suivant les sources, donc autour de 300…

Le fort du Paillet croise ses feux avec la batterie des Carrières et le fort du Mont-Verdun au Nord-Est, le fort du Bruissin au Sud. Le fort de Chapoly sera construit à 1891 pour combler l’intervalle entre les deux. Plusieurs batteries annexes se trouvaient sur les flancs du mamelon.

 

Pour s’adapter à la forme du terrain le fort n’a pas la forme « classique » à 5 saillants mais il a été nécessaire de construire un 6ème saillant pour une défense du fossé efficace.

L’entrée du fort s’ouvre sur un vaste fossé de gorge dominé par la façade à trois niveaux du casernement, sobre et imposante. Magnifique !Le fort du Paillet à une date indéterminée mais dans la végétationLe fort du Paillet à une date indéterminée mais dans la végétation

De part et d’autre de la galerie capitale, 3 travées  au niveau de l’entrée, 7 au niveau supérieur et inférieur. La « crise de l’obus torpille » éclate alors que le fort est en pleine construction, il est obsolète avant même d’être fini ! Pour palier à cela plusieurs chambrées seront renforcées en béton sur la partie gauche du casernement. Ces renforcements sont parfaitement visibles avec une épaisseur de murs supérieure.

Le cavalier d’artillerie en avant de la caserne comporte 8 plates-formes de tirs pouvant accueillir deux pièces d'artillerie. En avant de ce cavalier est disposé une banquette ou crête d’infanterie pour des tirs au fusil, ce qui n’est pas courant. Plusieurs escaliers travaillés relient les différents niveaux des organes du fort.

La profonde et vaste courtine est défendue par une galerie de flanquement pour fusils sur la gauche, et par une casemate équipée d'un canon revolver et 12 culasse sur la droite. 

Comme les autres ouvrages de la place de Lyon, il n'y aura pas de modernisation du fort après 1885. Cependant 3 chambrées du casernement furent renforcées par une sur-épaisseur bétonnée des murs et voutes.

Le fort servira de déport et de cantonnement au cours de la première guerre mondiale, et sera occupé par l’armée allemande au cours de la seconde. Il servira notamment de camp d'internement pour des communistes, juifs, et nomades retenus par l'occupant. Entre 1944 et 1946 il retiendra aussi d'anciens collaborateurs.

Le fort aura la « chance » d’avoir toujours un gardien logé sur place depuis la vente par l’armée à la commune en 1982. Le fort recèle bien des trésors qui ont disparus ailleurs…Sans doute une chance unique de pouvoir voir tout cela en un seul endroit : Huisseries et cloisons d’origines, portes, plaques émaillées, cuisine en état d’origine, pompes à eau, citernes etc.…

Le fort est dans un état exceptionnel et s’il était couvert de végétation il y a quelques années, il est aujourd’hui déboisé et entretenu. Le visiter c’est se projeter en 1890, il ne manque que la troupe.

 

Aujourd’hui le fort abrite plusieurs associations, il se visite occasionnellement sous la houlette de l’association « le fort du Paillet hier aujourd’hui demain ».

 

Un fort à voir absolument !

 

Le fort du Paillet en images