Le Sous-Marin Lanceur d'Engins "Le Redoutable"
« Un sous-marin est l’engin le plus complexe construit par l’homme, qui regroupe dans le même espace minimal le maximum de choses qui ne doivent pas être en contact les unes avec les autres. »
Le maillon indispensable d'une nouvelle doctrine : La dissuasion nucléaire: Le Redoutable est le 1er Sous-Marin Lanceur d’Engin (SNLE) français à propulsion nucléaire de l’histoire. En réalité le Redoutable n’aurait pas du être celui qui a navigué sous ce nom. A la base il s’agit du projet « Q244 » commencé à la fin des années 50. Seulement voilà, le projet est abandonné en 1959 parce que la technologie de réacteur « à eau lourde » devant équiper la propulsion de l’engin est trop volumineuse pour prendre place dans la coque… Notre « second » Redoutable portera le N° de projet Q252 et sa construction est décidée en mars 1963. |
Les éléments de coques déjà construits sont « recyclés » pour devenir le projet « Q251 » qui aboutira au sous-marin à propulsion classique « Gymnote » dont la construction est étroitement liée à celle du Redoutable. En effet la France construit ces technologies de pointe qui sont nouvelles pour notre pays, et de nombreux essais sont nécessaires tant en matière de nucléaire que sur la technologie des missiles. Le Gymnote devient un véritable laboratoire d’essais submersible pour développer et étudier les missiles des futurs SNLE. Mais ceci est une autre histoire…
La construction dure 7 années et nécessitera 14 millions d’heures de travail pour, de près ou de loin pas moins de 200 000 personnes.
Le lancement est effectué le 29 mars 1967 par le général de Gaulle, et près de 4 années seront encore nécessaires en travaux, essais, modifications pour que le Redoutable débute sa 1ere patrouille le 28 janvier 1972, après avoir rejoint l’Ile longue près de Brest, base des sous-marins nucléaires français, après une mise en service officielle le 1er décembre 1971.
Vidéo du lancement du Redoutable
Au cours de sa carrière qui s’étale jusqu’en 1991, le Redoutable aura effectué 58 patrouilles sur toutes les mers du globe, pour 83 500 heures de plongée, et 3469 jours de navigation. Les patrouilles, dans un premier temps d’une durée de 55 jours passent au fil du temps à 71 jours.
Mais avec les SNLE et SNA, une nouvelle époque s’ouvre. Des patrouilles plus longues mais des conditions de vie améliorées:
Finie la « banette chaude » (couchette partagée à tour de rôle par plusieurs marins en fonction de leur quart, usage nécessaire par le peu d’espace dans les submersibles) mais chaque marin dispose d’une couchette individuelle.
De l’eau douce en quantité illimitée grâce aux « bouilleurs », produite avec l’eau de mer, permettant des douches quotidiennes.
De manière générale, de l’espace, et des zones bien délimitées entre zones « de repos », « de vie » et « de travail ». Telle la cafétéria de l’équipage, très spacieuse, qui sert pour les repas, mais aussi de « place du village », de salle de jeux ou de projection de film sur des téléviseurs.
De même le carré des officiers, est très confortable et bien meublé.
Le redoutable en quelques chiffres :
128,7 m de long pour 10,6 m de largeur maxi.
10 m de tirant d’eau et 11 m de tirant d’air.
Une profondeur de plongée en sécurité de 300m grâce à l’utilisation d’aciers spécifiques à haute résistance.
Equipages : Un équipage « bleu » et un équipage « rouge » composés de 120 matelots Quartiers-Maitres et Officiers Mariniers, et 15 Officiers.
Le réacteur nucléaire a une puissance de 100 Mégawatts (qui pourrait alimenter une ville comme Cherbourg)
En complément et en cas d’avarie nucléaire le navire est équipé de 2 moteurs Diesel développant chacun 12 000 chevaux entrainant des générateurs électriques de 750 kW chacun, permettant de faire fonctionner un moteur électrique auxiliaire. L’autonomie en carburant permet de couvrir 5000 milles, alors que cette du réacteur nucléaire est illimitée.
C’est près de 18 km de tuyauteries diverses qui parcourent le submersible (soit près de 140 fois sa longueur)
La vitesse maximum est de l’ordre de 20/25 nœuds, pour un poids en surface de près de 8000t, et 8920t en plongée.
L’armement est composé de 16 missiles M1 à tête nucléaire, puis jugés d’une portée trop faible ils sont remplacés par de M2 en 1974 (portée 3000 km) puis par le missile M20 de même portée mais avec une tête nucléaire de 1 mégatonne de puissance.
Le tir de missile nécessite de connaitre très précisément la position du navire, pour pouvoir ajuster la cible et ne pas « taper » à côté. Pour éviter de devoir remonter à la surface et être repéré le navire est équipé d’un système de centrale inertielle permettant de mesurer le cap, la vitesse et la position du navire. (Centrale Inertielle de Navigation développée par Sagem).
4 tubes lance-torpilles de 550 mm à la proue pour la défense du navire.
Après la carrière militaire, naissance d’un projet :
Le Redoutable, au terme d’une carrière de 20 ans, termine son dernier voyage qui le ramène à Cherbourg le 7 octobre 1991, puis est retiré du service actif en date du 13 décembre 1991.
Son démantèlement débutera par la suite avec notamment le retrait du cœur atomique en 1993.
En 1996 la Marine Nationale via le ministère de la Défense fait don du submersible à la Communauté urbaine de Cherbourg, en plein projet de développement de la « Cité de la mer » pour en faire l’attraction principale.
La coque est découpée en 3 morceaux et la « tranche » étanche dans laquelle se trouvait toute la partie nucléaire ôtée pour être stockée pour un retraitement ultérieur.
Les parties avant et arrières sont réunies en intercalant un « anneau » de taille équivalente à la partie enlevée, et prélevé sur la coque du SNA « Turquoise » en cours de construction depuis 1986, mais dont la construction a été abandonnée en 1992.
En 1999 des travaux sont entrepris pour pouvoir accueillir ce géant dans une darse non prévue pour cela, et le 4 juillet 2000 les conditions sont réunies, marée à fort coefficient, météo favorable pour permettre l’entrée du submersible dans son dernier écrin.
L’accès à la mer a été condamné, le bassin asséché, et près de 18 mois de travaux seront encore nécessaires pour permettre l’accès au public, de ce qui est devenu le plus grand sous-marin du monde visitable.
Visitez le Redoutable, c’est un formidable voyage qui vous fera revêtir l’uniforme des sous-mariniers ! Rien ne manque, tout est resté en place, les odeurs, les lumières, l’ambiance, tout est resté comme s’il était revenu au port hier.
Ne manquez pas la Cité de la Mer également, un site formidable !
Pour compléter, une page traitant du Redoutable